Mode de vie
Dans l’ensemble, les témoignages présentent les Cosaques, hommes et femmes, comme des gens sains et bien portants. Robustes et intelligents, ils respiraient la force et la bonne santé. Les femmes étaient grandes et puissantes, la poitrine haute, les hommes avaient de larges épaules et le corps vigoureux.
La vie au grand air était simple et naturelle, partagée entre le combat, le travail et les plaisirs de l’existence.
La nourriture était équilibrée et variée, malgré une forte propension à l’abus d’alcool et de tabac.
À ce propos, il faut souligner que les Cosaques, grands fumeurs de pipe, mélangeaient souvent, par souci d’économie, leur tabac avec des herbes, parmi lesquelles l’absinthe, le thym, la menthe, l’estragon, l’achillée, le chardon et la valériane. Or ces plantes, qui avaient toutes des propriétés médicinales, aidaient à apaiser le système nerveux, à réduire la pression artérielle, à améliorer le sommeil et à stimuler l’appétit.
On sait aussi que les Cosaques avaient pour coutume de ne jamais fumer à l’intérieur, ce qui explique peut-être qu’ils ne souffraient que très rarement de maladies pulmonaires telles qu’asthme ou bronchite.
Selon Tolstoï et Lermontov, témoins de premier ordre, les mœurs étaient plus tolérantes et libérales chez les Cosaques que dans le reste de la Russie, et même, une grande liberté sexuelle semblait y régner. C’est que les femmes, une fois sorties de leur rôle d’épouses-esclaves hérité des habitudes orientales, intégrèrent pleinement la société cosaque, c’est-à-dire dans son système égalitaire et avaient autant d’indépendance que leurs maris.
Mais avant cela, dans leurs foyers, les Cosaques vivaient selon un système patriarcal où les hommes en général et les anciens en particulier dirigeaient la société. Les femmes, choisies parmi les prisonnières ou enlevées dans la steppe, étaient issues de tribus voisines. Prises tout d’abord comme esclaves dans les maisons communes, elles devenaient ensuite des concubines et finalement des épouses dès qu’une progéniture se présentait. Considérées comme faisant partie du butin, ces femmes, originaires d’un univers où les hommes faisaient la loi, n’avaient que peu de raisons de se plaindre des mœurs rudes et autoritaires des Cosaques.

Plus tard, la situation se normalisa lorsque des liens matrimoniaux s’établirent avec certains peuples locaux, particulièrement dans le Caucase, et plus encore lorsque des familles entières fuyant les régimes oppressifs de la Russie et de la Pologne vinrent les rejoindre. Grâce à ces dernières, la société cosaque se slavisa et le nombre des femmes égala bientôt celui des hommes. Une véritable vie de famille commença donc à s’établir.

Dans un premier temps, cette existence fut rythmée par le pouvoir absolu de l’homme et les femmes n’avaient qu’un rôle subalterne dans la maison et dans la société. C’est à partir du XVIIIe siècle, sous Pierre Ier, que la situation évolua, au pays cosaque comme dans le reste de la Russie. Le tsar progressiste, qui voulait faire de son pays un empire civilisé, imposa des réformes sociales visant à rendre la vie en communauté moins primitive. Il moralisa la vie de famille en interdisant aux hommes d’avoir maîtresses et concubines, en ordonnant que les mariages et les divorces ne soient plus faits à la sauvette mais selon les rites de l’Église.
Ces changements de société modifièrent la vie quotidienne au sein des communautés cosaques et les femmes purent enfin sortir de leur existence cloîtrée. Comme dans toute communauté, elles adoucirent les mœurs et renforcèrent le rôle de l’éducation, influencèrent l’esthétique et le confort, enjolivèrent les villages et rafraîchirent les coutumes. Mais surtout, elles prirent une place prépondérante dans la gestion du patrimoine, pouvant se substituer à leurs maris en cas de besoin, particulièrement lorsqu’ils étaient en campagne. Et leur rôle devint capital pour la bonne marche des exploitations.
À la guerre, les troupes cosaques ne comportaient pas de femmes, cependant, comme chez les pirates et les flibustiers, il arriva que certaines s’illustrent de brillante façon au combat. Mais ce furent généralement des cas isolés où des épouses avaient suivi leurs hommes dans des circonstances particulières. Certaines fois, pourtant, comme lors de la prise d’Azov, les femmes secondèrent efficacement les Cosaques et furent dignes de leurs ancêtres les Amazones...

Parmi leurs distractions préférées, les Cosaques aimaient jouer aux cartes et aux dés, danser et surtout chanter. Les chœurs étaient toujours puissants et les danses endiablées et spectaculaires. Depuis la conquête du Caucase, ils s’étaient emparés de la lezguinka, cette danse masculine qui consistait à tournoyer sur les pointes de pied de plus en plus vite et qui permettait aux hommes de démontrer leur agilité et leur virilité. Quant au chant, il était particulièrement prisé chez les Cosaques, qui alignaient même une chorale dans chaque sotnia.
Dans leurs foyers, les Cosaques vivaient simplement mais tout y était propre, coloré et bien entretenu. En comparaison des maisons populaires russes, celles des cosaques respiraient la prospérité et la bonne humeur. Pas loin d’une dizaine d’enfants en moyenne y circulaient.

En campagne ou dans leurs foyers, les Cosaques étaient identifiables à leur tenue en partie «orientalisée». Il y avait la papakha, la haute toque de fourrure d’astrakan, puis la tcherkesska, la veste sans col si reconnaissable à ses étuis à poudre cousus en oblique sur la poitrine, et le bachlyk, capuchon pointu qui pendait dans le dos. En guise de ceinture, une large bande de tissu était enroulée autour de la taille, à la manière des Mongols ou des Tibétains, et contenait de menus objets, comme une pipe ou un jeu de cartes. Par-dessus le tout, se jetait la bourka, une vaste cape de feutre ou de peau qui pouvait recouvrir le Cosaque et son cheval et servait de couverture lors des bivouacs.
Souvent amples et bouffants, particulièrement chez les Zaporogues, les chemises et les pantalons étaient encore un signe de la forte influence orientale sur les mœurs cosaques. De plus, les hommes comme les femmes aimaient les couleurs vives et portaient volontiers des ceintures de soie, de larges cafetans et des bottes richement décorées. Les bijoux et les objets précieux étaient le plus souvent travaillés selon l’ancienne technique d’orfèvrerie byzantine du niellage.
Les hommes portaient volontiers un anneau à l’oreille et inclinaient la casquette ou le couvre-chef de côté pour laisser dépasser leur tchoub, la mèche de cheveux cosaque dont ils tiraient grande fierté.
Les Zaporogues, eux, portaient cette mèche au milieu du crâne, par ailleurs rasé, et l’enroulaient parfois autour de l’oreille. Par ailleurs, les Zaporogues arboraient de longues moustaches tombantes et les Russes des barbes fournies, surtout après avoir été rejoints par les vieux-croyants.