Les voïskos de l'Empire
C’est vers 1520 qu’apparurent les Cosaques du Don, suivis de près par ceux de la Volga, puis par les Zaporogues, en 1550. Vingt ans plus tard, naquirent à leur tour les Cosaques du Yaïk, ou de l’Oural, puis du Terek, dans le Caucase. Si l’on excepte les tribus de proto-Cosaques ayant écumé le pays et les premières bandes de Cosaques disséminées entre le Don, la Volga et l’Ukraine, c’est avec cette poignée de communautés que naquit la cosaquerie.
Ces premiers établissements, devenus de petites armées, étaient donc liés aux territoires qu’ils occupaient et leur naissance fut aussi libre que spontanée. Par la suite, ceux-ci évoluèrent tandis que d’autres virent le jour, qui à leur tour se développèrent ou disparurent. À la fin de l’Empire russe, ces armées, que l’on appelait voïskos, étaient au nombre de onze, mais bien plus furent créés, plus ou moins durablement, tout au long de l’histoire cosaque:

Les Cosaques de Riazan – Mentionnée dès 1443 par la chronique de Nikon, cette communauté est le premier établissement cosaque fixe que l’on connaisse.
Les Cosaques des Crêtes – Situés au nord-est du Caucase, sur la rive droite du Terek, ils constituèrent, vers 1450, la première communauté cosaque du Caucase.
Les Cosaques du Don – Apparus de façon formelle à partir de 1520, ils sont issus pour bonne partie des Sevrioukis, descendants de tribus slaves venues du Nord, ainsi que des Cosaques de Riazan qui s’enfuirent par la Volga. Prenant de l’importance, cette armée devint la plus grande et la plus influente de Russie, dont l’histoire se confond avec la sienne plus qu’avec aucune autre.
Les Cosaques de la Volga – Installés sur les bords de la Volga depuis leur départ de Riazan, au début du XVIe siècle, ces Cosaques furent rejoints par des réfugiés fuyant le régime répressif d’Ivan IV et par des renégats mongols, spécialement après l’annexion des khanats de Kazan, en 1552, et d’Astrakhan, quatre ans plus tard.
Les Zaporogues – C’est en 1550 que des Cosaques Libres installèrent leur campement fortifié sur l’île de Khortitsa, sur le bas Dniepr. Refusant l’autorité de la Pologne ils formèrent leur propre territoire, la Zaporogie, qu’ils administrèrent depuis leur capitale, la Sietch. Intégrés à l’Empire russe – mais jamais constitué en voïsko à proprement parler – ils furent supprimés en 1775. On appela parfois les Zaporogues «Cosaques de la mer Noire» afin de les distinguer des autres Cosaques d’Ukraine, mais il ne faut pas les confondre pour autant avec les vrais Cosaques de la mer Noire, situés eux dans le Caucase.
Les Cosaques d’Ukraine – Les Cosaques ukrainiens ne constituèrent pas à proprement parler un voïsko, mais ils furent rassemblés sous forme d’armée depuis le XVIe siècle. Présents le long du Dniepr dès les années 1490, ils furent tout d’abord réunis sous forme de bandes qui louèrent leurs services à la Pologne-Lituanie, avant d’être recensés dans un Registre. Ils obtinrent en 1649 une forme d’indépendance avec la création de l’Hetmanat, un État cosaque au nord de la Zaporogie. Depuis 1620, d’autres Cosaques se réunirent à l’est de l’Ukraine dans une région que l’on appela «slobodienne» et qui se placèrent sous l’autorité directe du tsar.
Les Cosaques d’Astrakhan – En 1556, à la chute du khanat d’Astrakhan, des Cosaques de la Volga commencèrent à coloniser l’ex-royaume mongol. Ils ne produisirent des régiments qu’à partir de 1750 et leur voïsko ne fut créé qu’en 1776.
Les Cosaques du Yaïk – C’est en 1570 que d’anciens Cosaques du Don créèrent le Voïsko du Yaïk, ou de l'Oural. Cette communauté fut le point de départ de la révolte de Pougatchev.
Les Cosaques du Terek – Fondé en 1577 par des Cosaques de la Volga déplacés après leur dissolution, le premier établissement du Terek, dans l’est du Caucase, est issu pour partie des Cosaques des Crêtes ainsi que des nombreuses communautés du Caucase ayant porté jusque-là des noms variés selon leur situation géographique.
Les Cosaques du Kouban – Présents dans la région de Stavropol depuis le XVIIe siècle, ils descendaient initialement des Cosaques du Khoper, une branche de la communauté du Don. Ils furent rejoints en 1708 par les Nekrassoviens, des Cosaques vieux-croyants qui avaient participé au soulèvement de Boulavine. Augmentés par la suite de Zaporogues et de Cosaques de la mer Noire, ils intégrèrent le Voïsko du Caucase.
Les Cosaques d’Orenbourg – Ce voïsko, datant de 1736, est le premier des établissements «artificiels» de Cosaques créés par le gouvernement russe, constitué en majeure partie de soldats russes, non-cosaques, et de paysans extérieurs à la région.
Les Cosaques de Sibérie – C’est durant le XVIIIe siècle que se regroupèrent les Cosaques peuplant la Sibérie depuis les explorations d’Ermak, mais le Voïsko, premier de tous les établissements qui furent fondés jusqu’au Pacifique, date de 1760.
Les Cosaques du Boug – Ce voïsko à l’existence très brève était positionné le long du Boug, au sud-ouest de l’Ukraine, et avait pour mission de contenir les Turcs de Roumanie.
Les Cosaques d’Ekaterinoslav – Créé par Catherine II, ce voïsko était installé sur la côte ukrainienne de la mer Noire et fut supprimé en 1796 à la mort de sa génitrice.
Les Cosaques de la mer Noire – À la suite de leur dissolution, les Zaporogues ayant survécu se regroupèrent sur les bords du fleuve Kouban et fondèrent ce voïsko en 1787.
Les Cosaques du Danube – Institué sur le delta du Danube pendant la guerre contre les Turcs, entre 1806 et 1812, ce voïsko était formé de nombreux soldats étrangers positionnés en Bessarabie et par d’anciens Zaporogues. Rebaptisé Voïsko des Cosaques de la Nouvelle Russie en 1828, il disparut en 1868.
Les Cosaques d’Azov – Ce voïsko, qui fut fondé en 1828 avec des Cosaques du Don, avait pour mission de surveiller la côte de la mer d’Azov.
Les Cosaques du Caucase – En 1832, afin de réunir les nombreuses factions de Cosaques occupant le Caucase, les Russes constituèrent le Voïsko des Cosaques du Caucase, utilisant pour ce faire les Cosaques des Crêtes et les multiples régiments qui occupaient le terrain.
Les Cosaques de Transbaïkalie – Cet immense voïsko fut créé en 1851 près du lac Baïkal. Il fut fondé grâce à la présence des nombreux Cosaques de la région et fut augmenté de Cosaques sibériens attirés par la prospérité de ses établissements.
Les Cosaques de l’Amour – Constitué en 1860 avec des colons cosaques de Transbaïkalie et des mineurs «cosaquisés» de la région de Nertchinsk, ce voïsko était destiné à protéger la frontière avec la Chine sur le fleuve Amour.
Les Cosaques de Semiretchinsk – Créé en 1867 sur les bases des premières colonies cosaques installées depuis Ermak, le Voïsko de Semiretchinsk, littéralement des Sept rivières, était placé au sud du lac Balkhach et avait pour fonction de garder la frontière chinoise face aux Kirghiz. Il est aussi parfois nommé Voïsko de Samarkande en raison de sa forte présence dans le Turkestan et alentours.
Les Cosaques de l’Oussouri – Fondé en 1889 avec des Cosaques de tous les horizons, ce voïsko est une création artificielle qui, sur la base d’un noyau cosaque, fut essentiellement constitué d’éléments provenant des peuples indigènes.

En dehors des voïskos proprement dits, le tsar disposait encore d’une Garde impériale, fortement constituée de Cosaques, dont le célèbre régiment Atamanski et le Konvoï, ou Escorte personnelle du tsar. Il faut encore ajouter quelques armées qui ne furent pas réellement des voïskos, mais qui, de par leur présence sur les Lignes cosaques, participèrent à leur histoire. Constituées essentiellement de soldats indigènes, ces troupes furent appelées Voïsko de Stavropol (formé de Kalmouks), Voïsko des Bachkirs, Voïsko des Nogaïs et Voïsko des Tatars de Crimée.
Quant aux onze voïskos qui subsistèrent à l’ère moderne de la cosaquerie, il s’agit de ceux du Don, de l’Oural, d’Orenbourg, d’Astrakhan, du Kouban, du Terek, de Semiretchinsk, de Sibérie, de Transbaïkalie, de l’Amour et de l’Oussouri. Notons encore que des régiments de cavalerie de Krasnoïarsk et d’Irkoutsk obtinrent le statut de voïsko en 1917 et que l’on parla alors des
Cosaques de l’Enisseï, une petite armée sibérienne qui ne laissa guère de traces mais que l’on nomma parfois le «douzième voïsko».