Organisation des communautés
Si les Cosaques acceptèrent de se soumettre à des souverains, ce fut toujours en échange de privilèges. L’essentiel, pour eux, était de pouvoir préserver leur liberté et leur autonomie, de jouir du droit de se gouverner eux-mêmes. Le contrat entre l’État et les Cosaques voyait ceux-ci fournir des contingents pour la guerre et les frontières, et, en temps de paix, payer un tribut sous forme de fourrures précieuses et de poissons.
La structure démocratique des Cosaques était faite d’élections libres, de décisions prises par plébiscite, de gouvernants choisis par leur peuple. Que l’on parlât de kroug en Russie ou de rada en Ukraine, les assemblées étaient toutes puissantes et assuraient une justice égale pour chacun. Les tâches et les bénéfices y étaient correctement partagés, les droits de pêche, de chasse et de pâturage également répartis. L’assemblée était au-dessus des élus et garantissait une autorité impartiale; les dirigeants avaient des comptes à rendre sur leurs activités et leurs décisions, le dernier mot restant toujours à la volonté générale.
À l’époque moderne, ce qui faisait l’organisation des anciennes communautés cosaques fut adapté à une société plus vaste. L’ataman général, qui autrefois dirigeait sa stanitsa, devint le chef de toutes les armées cosaques, tandis que chaque voïsko eut à sa tête son propre ataman, de la même manière que chaque stanitsa, désormais dépendante d’un district administratif, l’okroug, avait le sien. Les Cosaques étant devenus civilement et militairement rattachés à l’Empire, cette structure pyramidale fut désormais contrôlée par l’État. À partir du XVIIIe siècle, le titre d’ataman général fut endossé par des généraux, puis des souverains, avant d’être définitivement attribué, en 1827, à l’héritier du trône.

Au niveau militaire, chaque voïsko fournissait des régiments en fonction de ses capacités et ceux-ci étaient intégrés aux divisions de l’armée régulière comme simples corps de cavalerie, au même titre que ceux de dragons ou de hussards. Le nombre de Cosaques mobilisables varia selon les époques mais alla toujours en augmentant. Au XIXe siècle, on compte que ces effectifs étaient de l’ordre de 200 000 à 300 000 hommes, bien qu’en réalité il fût plus proche de 500 000 compte tenu des volontaires et des troupes «cosaquisées». En temps de paix, les Cosaques en service étaient entre 70 000 et 100 000.
Côté société civile, les voïskos se développèrent intensément, se dotant de nombreuses écoles et de leur propre système médical; en campagne, les Cosaques avaient ainsi leurs propres unités de soins. Pour l’instruction publique, les voïskos payaient les neuf dixièmes des dépenses et l’État prenait en charge le dixième restant.
Les voïskos connaissaient un sens de la propriété assez spécifique. Il y avait bien sûr la propriété privée de chaque Cosaque, mais la stanitsa, en tant que collectivité, avait également ses propres biens, de même que le voïsko, qui bénéficiait de terres. Les communautés possédaient ainsi un capital propre qui leur permettait de maintenir leur autonomie.
Pour les voïskos, les subsides de l’État étaient la principale source de revenus. Par ailleurs, ils louaient les terres leur appartenant en propre puis bénéficiaient des biens naturels: les eaux, à travers le produit de la pêche, les forêts, le sel, le sous-sol, offrant pétrole, fer, et charbon.
Les stanitsas, quant à elles, alimentaient leurs finances grâce à la location de leurs terres et de leurs bâtiments, mais aussi par les amendes des tribunaux et le produit des diverses taxes. Avec ces revenus, les stanitsas finançaient les bâtiments et les services publics, payaient l’administration, les écoles et le clergé, alimentaient des fonds de réserve pour aider les plus démunis.
Les voïskos évoluèrent constamment en fonction de la situation politique, et bien des circonstances vinrent troubler leur développement. L’une des plus importantes d’entre elles fut la prolifération des non-Cosaques sur leur territoire
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